Ameise – D.1 – III.1 Fabel

Les représentations ésopiques qui veulent la fourmi travailleuse, prévoyante et économe nourrissent la fable française tout au long du Moyen Age. Marie de France fournit une version de La Fourmi et la Cigale où seule la capacité d’acquérir des biens est présentée comme louable parce qu’utile. De même, dans l’Isopet de Chartres (BASTIN t. 1, 26) la paresse du → grillon qui a chanté pendant l’été au lieu de se procurer le froment nécessaire pour l’hiver s’oppose à l’activité diligente de la fourmi. Le discours moralisant n’est pas sans malice: l’insecte prévoyant suggère au grillon de danser pour se distraire de sa faim. Dans l’Isopet de Paris II (ibid.,28) l’exemple de la fourmi acquiert une valeur plus générale pour soutenir que pendant la jeunesse l’on doit amasser les biens nécessaires à l’âge mûr.

L’activité assidue est d’autant plus admirable qu’elle est modeste et anonyme: à la vantardise de la → mouche qui affirme manger aux tables des souverains, la fourmi oppose la fierté d’avoir pourvu toute seule à sa provision de blé; la paix de son coeur adoucit la petitesse de son repas (De la Mouche et de la Fourmi, Isopet I, BASTIN t. 2, 36 et Isopet III, ibid., 30). De plus, l’abstinence de la fourmi devient exemplaire (Isopet de Lyon, ibid., 37) face à l’insatiabilité de la → mouche qui, malheureuse, ne survit pas à l’hiver (Isopet de Jehan de Vignay, t. 1, 418). À l’origine du différend on trouve soit la forfanterie insolente de la mouche (Isopet de Chartres), soit la volonté des deux insectes de se mesurer (Jehan de Vignay et, à l’époque successive, Julien Macho (2, 17).

Les recueils de fables du début du XVIe siècle témoignent de cette tradition. L’Aesopus Dorpii aussi bien que l’Isopet de Julien Macho récupèrent un épisode ultérieur, dans lequel la fourmi est par surcroît reconnaissante du bien qu’elle reçoit. Dans La Fourmi et la Colombe la petitesse de l’insecte ne l’empêche pas de rendre service à l’oiseau qui l’a sauvé de sa chute dans l’eau. Si les motifs de la sagesse et de la modestie reflètent des attitudes réelles de l’insecte, celui de la gratitude demeure plutôt une attribution occasionnelle, fonction de l’illustration de la morale, présentée comme une valeur universelle.

L’imagerie littéraire liée à l’insecte n’est pas exempte de perceptions négatives: Dans la fable Des formieux et du porc, Eudes de Chériton (fable 42) nous rappelle que souvent ceux qui amassent de grandes quantités de biens ne sont pas destinés à en jouir. Il ne faut pas oublier que la fourmi, qui était autrefois un homme, doit son apparence actuelle à son habitude de s’enrichir des biens d’autrui. Jupiter l’a punie, mais elle n’a pas abandonné son vice (Dorpius, Incerto Interprete, n. 57).

Si la fourmi apparaît isolément dans d’autres contextes (Eudes de Chériton la nomme parmi les animaux qui voulant élire un roi sont dévorés par le → serpent), le trait de la prévoyance reste sans doute le plus productif, jusqu’à assumer une valeur proverbiale: dans la section Subtilles fables de Alphonse de l’Isopet de Macho, Arabe de Lucanie exhorte son fils à ne pas être moins sage que la fourmi.

Ausg.: Fables de Marie de France, éd. C. BRUCKER, 1991, 39; Recueil général des Isopets, 2 t., éd. J. BASTIN, 1921; Isopet de Jehan de Vignay, t. 1, éd. G. E. SNAVELY, 1911; Aesopus Dorpii, dans: Aesopi Phrygis et aliorum fabulae, Lyon: Gryphium 1536, Rimicius 68; L’Esope de Julien Macho, éd. P. RUELLE, 1982; Les Fables d’Eude de Chériton, éd. P. RUELLE, 1999, fable 1, 46-47, fable 17, 427-429.

Lit.: G. DICKE/K. GRUBMÜLLER: Katalog der Fabeln des Mittelalters und der frühen Neuzeit, 1987, n° 35, 37,150, 157*; P. CIFARELLI: Catalogue thématique des fables ésopiques françaises du XVIe siècle, 1993, n° 213-215, 369.

Laura Ghiosso

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