Wal – B.1 Antike Zoologie

Aristote mentionne la baleine (ϕάλαινα) le plus souvent aux côtés du dauphin et des «autres cétacés» (kētē) (HA 566b2), qui sont caractérisés par la respiration pulmonaire, la viviparité et l’allaitement des jeunes (HA 489b4; 521b24; 566b2; 589b2; PA 669a8, 697a17, 697b) - en cela d’ailleurs, les kētē  ressemblent aux animaux terrestres bien qu’ils vivent et se nourrissent dans l’élément liquide comme les autres animaux aquatiques, souligne l’auteur. Aristote retient également la taille exceptionnelle de la baleine et l’évent dont elle est pourvue afin d’évacuer l’énorme quantité d’eau qu’elle absorbe pour y puiser sa nourriture. Mais il ne faut pas se laisser tromper par cette description: en réalité, les cétacés étaient peu connus des anciens et dans les sources, «baleine» (en grec phallaina (ϕάλλαινα, ϕάλαινα), en latin ballaena ou ballena) est le plus souvent un terme générique, recouvrant plusieurs espèces de cétacés identifiées actuellement. Peu d’espèces sont donc mentionnées dans les textes, et il arrive qu’on ne puisse en reconnaître certaines qui apparaissent sous des désignations obscures. Le terme ballena, tout comme d’ailleurs le mot kētos, en latin cetus, ne s’applique donc pas à des espèces bien définies. Kētos désigne non seulement les cétacés, mais aussi tous les poissons de taille jugée monstrueuse, tels que les squales et même les thons. Chez certains auteurs, les termes kētos et ballena sont interchangeables. Dans la mythologie gréco-romaine, les kētē sont des monstres marins compagnons et agents des divinités marines (Homère, Od., 5,421; Virgile, Aen. 5,822). L’un d’eux a donné son nom à une constellation, la constellation du Kētos (ou Cetus) actuellement connue, en français, sous le nom de constellation de la Baleine (Eratosthène, Catastérismes, 36).

La baleine et les autres cétacés n'étaient guère familiers aux civilisations antiques, et il n’est donc pas étonnant que la baleine ait été généralement présentée comme une créature à la frontière entre réalité et légende. A cet égard, l’Histoire naturelle de Pline l’Ancien est tout à fait exemplaire. Sans surprise, le livre 9, consacré aux poissons, traite en premier lieu des animaux les plus impressionnants, dont la baleine (ballaena). Celle-ci apparaît également dans le catalogue des beluae au livre 32 (NH 32,144), qui énumère entre autres l'orque (orca), la pistrix (?), le physeter (cacholot?) et l’elephantus (morse?). La pistrix ou pristis, créature qui peut atteindre selon Pline la taille de deux cents coudées, a souvent été confondue avec la baleine. Mentionnée dans le livre 9 à côté de la ballaena et du physeter (NH 9,8), elle a manifestement été considérée elle aussi comme un grand monstre marin. Des auteurs latins ont d’ailleurs employé le mot pistrix pour désigner la constellation du Cetus (Cicéron, Aratea, 140; Hygin, Astr., 3,30). Le physeter (cachalot?) vit dans l'«Océan des Gaules», où il peut se dresser sur les flots «tel une énorme colonne» et éjecter en l'air «une eau diluvienne» - cette description sera souvent appliquée à la baleine dans les textes médiévaux. La ballaena, quant à elle, apparaît comme un animal femelle, d’une espèce mal définie, considérée selon des caractéristiques très générales, à qui Pline prête une taille démesurée (NH 9,4). Si Pline mentionne à son sujet la viviparité, l’allaitement des jeunes et la respiration pulmonaire associée à la présence d’un évent (NH 9,16,21), il préfère s’attarder sur des faits plus anecdotiques, comme l’association de la baleine avec le musculus (NH 9,186), la tendresse de l’animal envers ses petits (NH 9,21), ou les attaques répétées des orques (NH 9,13,15). Pline évoque aussi les baleines de l'océan Indien, dans des descriptions à la fois ethnographiques et merveilleuses, qui seront transmises de diverses manières au Moyen Âge. Il explique notamment que les habitants des Indes ont abondamment recours aux ressources baleinières et raconte la confrontation entre la flotte d’Alexandre le Grand et une cohorte de baleines (NH 9,5). Le traité d'Élien, De la nature des animaux, complète harmonieusement le tableau dressé par Pline en rapportant quelques informations héritées d’Aristote mais surtout de nombreuses anecdotes fabuleuses. La baleine est mentionnée plusieurs fois, au côté d'autres grands monstres marins (kētē) de l'océan Indien, tels que la pristis et les physaloi (cachalot?) (NA 9,49; 16,12; 17,6); Élien précise que ces monstres sont parfois si grands qu’ils peuvent être frappés par la foudre (NA 13,20). De nombreuses baleines (phallainas) vivent autour de l’île de Taprobane [= Sri Lanka] (NA 16,18), tandis que d'autres sortent parfois de la mer pour se chauffer le dos au soleil (9,50; il s'agit certainement du morse). La baleine est brièvement mentionnée dans d'autres ouvrages, généralement des abrégés de l’encyclopédie de Pline l’Ancien – et des sources importantes du merveilleux médiéval –, comme les Collectanea rerum memorabilium de Solin (CR 52,42). Citons également la Géographie de Strabon (Géographie 15,2,2-12), les Indica d’Arrien (Indica, 30) et la Lettre d'Alexandre à Aristote.

Ausg.: folgt

Lit.: H. Leitner, Zoologische Terminologie beim Älteren Plinius, 1972 [avec la bibliographie antérieure]; E. de Saint-Denis, Le vocabulaire des animaux marins en latin classique, 1947; d' A. W. Thompson, A glossary of Greek fishes, 1947.

Hélène Cambier

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