Kranich – C. – II.2 Tierkunde, Enzyklopädik

La grue a, depuis l’Antiquité, attiré l’attention des naturalistes, et l’on en trouve des évocations détaillées chez Aristote, répercutées par Pline.

Dans les Etymologies d’Isidore de Séville, la notice explique d’abord le nom grus, qui imite le cri de l’oiseau, puis décrit l’ordre de vol en formation »lettrée«. Isidore note le vol élevé, les cris de l’oiseau guide et les relais en tête de formation. Enfin, il est question des précautions nocturnes du groupe de grue, une fois posé: des sentinelles veillent à tour de rôle, tenant une pierre dans la patte levée, afin d’éviter la somnolence, et crient en cas de danger. Les grues noircissent avec l’âge (Etymologiae, XII, 14-15). Raban Maur copie toute la notice d’Isidore, et supplée un sens moral: les grues offrent l’image de ceux qui vivent en communauté dans les monastères, soumis à un seul, s’exerçant aux veilles, psalmodiant de nuit pour le salut de tous (DNR / De universo).

Les encyclopédistes du XIIIe s. s’intéressent tous à la grue, et nous en résumons les données par registres, en usant des sigles suivants: AN pour Alexander Nequam, De naturis rerum, II.97-98; TC pour Thomas de Cantimpré, Liber de natura rerum V.55; BA pour Barthélemy l’Anglais, De proprietatibus rerum, XII.15; VB pour Vincent de Beauvais, Speculum Naturale, XVI.91-93; CP pour Compendium Philosophiae, IV.12; AG pour Albert le Grand, De animalibus, XXIII, 49.

L’étymologie par imitation du cri est rappelée (BA, VB, CP), et Neckam relève la dérivation congrui (AN).

On décrit peu la grue, et aucun auteur ne prend la peine de souligner sa grande taille, sa conformation ou son plumage, à l’exception du fait que son plumage s’assombrit avec les années (AN, TC, BA, VB, CP, AG) – ce trait, qui ne correspond pas à la réalité, est repris de Pline; le Compendium se singularise en estimant qu’elles blanchissent à la fin (CP).

Tous les auteurs notent le vol en formation, sous la conduite d’un chef, qui est relayé périodiquement. Le Compendium affirme d’après Aristote qu’elles ont un »roi« (CP). Le fait que le chef réintègre son rang au sein de la troupe est pour Neckam une leçon d’humilité pour ceux qui sont élevés en dignité pour un temps. Les grues volent haut, jusqu’au bout du monde (TC, VB) et dessinent une lettre par leur formation (AN). Elles ingurgitent du sable et transportent de petites pierres pour se lester en vol, qu’elles lâchent à mi-parcours au-dessus des mers, ce que des marins ont attesté: l’histoire, trouvée chez Solin qui copie Pline, est répétée par certains (AN, TC, VB et Brunet Latin), mais Albert le Grand se montre sceptique. La migration conduit les grues en Egypte où les attendent les Pygmées, qui leur livrent de féroces batailles (TC, VB, AG).

La grue est l’oiseau de la prévoyance: tous les auteurs s’attardent sur la vigilance des groupes de grue et parlent des sentinelles et de l’astuce de la pierre levée, une commendabilis consuetudo selon Neckam, qui y voit une leçon pour celui qui est chargé du troupeau du Seigneur et doit retenir la grâce de la stabilité (AN). Les moeurs grégaires de l’oiseau sont soulignées avec admiration par divers auteurs. La nuit, la grue se perche sur un seul pied (AN, TC, BA, VB, AG, CP), ce qui fournit la leçon qu’il ne faut toucher terre que par nécessité, et tendre à s’en éloigner par le désir de l’amour divin (AN).

De façon plus isolée, on relève que les grues sont domesticables (TC), facétieuses (AG), parfois querelleuses (VB), se battant entre elles à tel point qu’on peut les prendre à la main (TC, VB). Albert le Grand note qu’elles sont communes en toutes terres; il a bien observé leur vol pour prendre de la hauteur, ainsi que le fait qu’elles placent parfois une pierre entre leurs oeufs (AG). Dans un autre passage du De animalibus, Albert conte son observation de grues domestiques nichant à Cologne (VI, 26). Il est seul parmi les naturalistes du XIIIe siècle à faire allusion à la nidification de cet oieau. Alexandre Neckam rappelle que la grue était l’oiseau de Palamède, inventeur des lettres grecques et promoteur de la grammaire (AN).

Les notes marginales moralisantes qui accompagnent le chapitre sur la grue chez Barthélemy l’Anglais concernent les prélats et puissants, la charité, la prédication, la vie ordonnée des religieux, la vigilance des prélats, l’humilité, la confession et le combat contre les démons.

Dans son poème didactique sur les animaux, largement inspiré d’Isidore mais pourvu de moralisations systématiques, le zurichois Konrad de Mure († 1281) voit dans la grue (v. 1685-1734) l’image du juste, par sa vie ordonnée et sa soumission au chef, qui représente le Christ ou son vicaire l’Eglise; le vol en hauteur est comme l’aspiration du juste vers le Ciel, la station sur un pied est son dédain de ce qui est terrestre, la vigilance nocturne une incitation à se défier de Satan. Le Speculum animalium versifié de Christan de Lilienfeld (ca 1320), qui adapte une brève moralité au catalogue des animaux de Thomas de Cantimpré, énonce pour la grue vigilante tenant sa pierre la leçon qu’il faut porter le Rédempteur en son coeur afin d’éviter la tiédeur.

Baudouin Van den Abeele

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