Taube – B.2 Bibel und Bibelexegese

La colombe est un oiseau aux significations multiples et qui apparaît très souvent dans la littérature exégétique, au point qu’il n’est probablement pas un seul auteur chrétien qui n’ait évoqué cet oiseau dans son œuvre. Il serait trop long d’en repérer toutes les mentions mais les significations allégoriques de la colombe sont finalement assez peu nombreuses.

Dans la Vulgate, la colombe ou la tourterelle (il n’y a qu’un terme hébreu, yonah, pour l’ensemble des colombidés, c’est le grec qui a introduit des interprétations différentes par la suite) sont mentionnées 58 fois, dont 18 fois dans le Lévitique, essentiellement dans des passages relatifs aux rites et interdits relatifs à ces oiseaux, et 7 fois dans le Cantique des cantiques, comme métaphore poétique de l’Épouse ou de ses qualités.

Mais les versets bibliques les plus souvent cités à propos de l’exégèse de la colombe, sont le verset 14 du psaume 67: »Si vous dormez au milieu de vos héritages, vous serez comme des plumes argentées d’une colombe dont le bas du dos est couleur d’or pâle« et le verset 7 du psaume 54: »qui me donnera des ailes comme la colombe, et je m’envolerai et je me poserai?«; l’épisode du baptême dans les Évangiles, que nous avons déjà évoqué plus haut, et la parole attribuée au Christ dans l’évangile selon Matthieu: »Voici, je vous envoie comme des brebis au milieu des loups ; soyez donc prudents comme les serpents, et simples comme les colombes« (Mt 10, 16).

Dans l’exégèse, la colombe est souvent en premier lieu interprétée comme une allégorie de l’Église, notamment chez saint Augustin : »car la colombe n’a pas instruit Jean, sans vouloir instruire aussi l’Église, cette Église à laquelle il a été dit: une est ma colombe« (Homélies sur l’Évangile de Jean, 6, 10) et dans son traité sur le baptême (4, 3, 5): »cette Eglise qui a été appelée la colombe unique«. Saint Jérôme reprend ce thème dans sa lettre à Principia (lettre 65, 15): »L’Église Catholique, cette colombe unique, parfaite et très aimée«.

La colombe est aussi associée au baptême et à la conversion en général. L’entrée dans la communauté des chrétiens est placée sous le signe de la colombe en référence à la descente de l’Esprit Saint sous cette forme lors du baptême du Christ (Mt 3, 16; Mc 1, 10; Lc 3, 22; Io 1, 32). C’est ainsi qu’Origène d’Alexandrie explique dans son Commentaire sur le Cantique des cantiques (4, 1, 5): »ceux qui accueillent la puissance du Saint Esprit, qui sont sanctifiés par lui et remplis de ses dons, du fait que lui-même est apparu sous l’aspect d’une colombe, deviennent eux aussi des colombes, en sorte qu’ils s’envolent des lieux terrestres et corporels vers les réalités célestes, soulevés par les ailes du Saint Esprit«. C’est aussi en raison de la manifestation de l’Esprit Saint sous la forme d’une colombe lors du Baptême du Christ que les homélies 5 et 6 d’Augustin sur l’Évangile de Jean, ainsi qu’un long passage de son traité sur le baptême (De bapt., 3, 17, 22), sont intégralement consacrés à l’interprétation des valeurs allégoriques de cet oiseau.

Par extension, la colombe devient parfois la figure de la condition religieuse en général, ce qui explique son association antinomique avec le rapace, figure du monde laïc. Les Pères de l’Église surtout ont beaucoup utilisé l’opposition naturelle entre l’oiseau rapace et la colombe. Le rapace peut être connoté positivement ou négativement selon le contexte, mais il est toujours là en tant que symbole de la laïcité ou de la vie mondaine. Ainsi Aponius, dans son Commentaire sur le Cantique des cantiques (1, 10) explique: »Elle est appelée ›colombe‹ [l’Épouse du Cantique]: ayant renoncé à tous les actes de rapacité qu’elle avait coutume de commettre de ses mains crochues comme des serres de vautour (velut vulturis ungulis)«, ou encore, (6, 1): »Ainsi, ces yeux, qui avaient coutume, comme ceux de l’épervier, de guetter leur proie, de convoiter le bien d’autrui ou les spectacles lascifs, maintenant qu’ils ont connu le Christ, remplis de la simplicité de ceux des colombes, brillent de la lumière de la miséricorde, de la douceur et de la chasteté«. Dans certains textes monastiques, comme les Apophtegmes des Pères, la vocation religieuse elle-même est figurée par une colombe. Chez de nombreux autres auteurs, la colombe devient une figure du religieux ou de l’âme qui aspire à l’élévation spirituelle.

Une autre opposition également régulièrement développée au Moyen Âge (cf. notamment Pierre de Riga, Aurora, De diluvio, 69ff), est celle de la colombe et du corbeau. Elle se fonde bien entendu sur le passage de la Genèse (8, 6-12) qui relate l’envoi successif des deux oiseaux à la recherche d’un indice de la fin du déluge. Envoyé en premier, le corbeau ne revient pas, trop occupé à se repaître des cadavres qui surnagent. La colombe en revanche revient deux fois avec finalement le fameux rameau d’olivier avant de reprendre sa liberté la troisième fois. L’opposition des deux oiseaux est motivée à la fois par leur régime alimentaire: le corbeau est un charognard, la colombe un granivore; et par la couleur de leur plumage: noir pour l’un et traditionnellement blanc dans ce contexte pour la colombe. Dès lors, les deux oiseaux ont généralement été interprétés, pour le corbeau, comme une figure de l’homme charnel qui se laisse tenté par les plaisirs mondains, et, pour la colombe, comme une image des religieux qui se nourrissent du bon grain des Écritures et préservent leur pureté en résistant aux tentations du monde.

Enfin, les pigeons et le colombier sont parmi les métaphores les plus couramment employées dans les textes antiques et médiévaux, pour illustrer les pensées ou les souvenirs. Cette comparaison trouve sa source dans le Théétète de Platon (36-37), où le colombier est le locus memoriae dont les oiseaux illustrent les sciences que l’on a apprises et que l’on cherche à se remémorer. Après Platon, la métaphore aviaire employée pour illustrer le fonctionnement de la pensée ou l’organisation de ses principaux outils que sont les livres connaît une certaine fortune. Ainsi Columelle emploie le terme cella pour désigner les lieux où l’on élevait les pigeons, et le terme loculamenta pour désigner les boulins alors que c’est un terme normalement utilisé pour désigner les casiers d’une bibliothèque.

Lit.: M. Carruthers: Le livre de la mémoire, 2002, 61 W. B. Clark: The medieval Book of Birds, 1992; J. Daniélou: La colombe et la Ténèbre, 1992; H. Peters: Miles christianus oder Falke und Taube, dans: Festschrift für Otto von Simson zum 65. Geburtstag, 1977, 53-61; B. Van den Abeele: Le faucon sur la main, dans: La chasse au Moyen Âge, 2000, 87-109; J. Voisenet: Bêtes et hommes dans le monde médiéval, 2000. R. Favreau: Sine felle columba, Cahiers de Civilisation Médiévale 32 (1989), 10, 5-113; A. Feuillet: Le symbolisme de la colombe dans les récits évangéliques du baptême, Recherches de Science Religieuse 46 (1958), 524-44; P. E. Beichner: Aurora: Petri Rigae Biblia Versificata, 1965. D. Lau: Columba, dans: Augustinus Lexikon, bd 1., 1986-1994.

Rémy Cordonnier

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